Par prosper Nobirabo Musafiri
Le processus de la refondation de la République démocratique du Congo est désormais irréversible disent les optimistes de la scène politique congolaise. Il est entendu qu’il passe nécessairement par le déroulement du second tour des élections le 29 octobre 2006.Aussi, certains observateurs pensent déjà sur l’essence d’un vote pour un choix utile. Un choix qui doit se caractériser par l’existence d’un leadership fort à même de renforcer la stabilité des institutions nationales congolaises pour qu’elles soient fortes. Des institutions dépersonnalisées qui échappent au culte de la personnalité, mais susceptibles de s’affirmer dans cette logique de concevoir de vrais programmes de développement national.
Mais le congolais ne doit plus être naïf ou continuer de rêver. Il vrai, on peut toujours tirer les leçons de ces guerres d’agression et de tous ces complots de déstabilisation du Congo démocratique dans lesquels on met en avant plan la responsabilité de ce bouc-émissaire qu’est l’occident tout en ignorant notre responsabilité personnelle n’est serait ce que sur le plan du silence complice face à la mauvaise gestion des dirigeants prédateurs de notre pays. Au-delà, il ne faut jamais perdre de vue que la République démocratique du Congo est au centre d’un business régional et international.
Déjà aux temps forts de la guerre froide, le Congo démocratique alors la République du Zaïre était l’objet de convoitises grâce à sa position géostratégique. Occuper le Congo démocratique, disait-on, c’est contrôler toute l’Afrique. Aussi, Frantz Fanon n’avait-t.il pas raison lorsqu’il affirma que « l’Afrique avait la forme d’un revolver dont la gâchette se trouvait au Congo ». On comprend aisément pourquoi les capitalistes et les communistes ont cherché à prendre le contrôle du Congo Kinshasa, non pas seulement pour assurer la sécurité de leur pays, mais aussi et surtout avoir la main mise sur le diamant, le caoutchouc, le coton, le cuivre, l’or et l’uranium.
Par ailleurs, les richesses du sol et du sous-sol congolais ont constitué plus les enjeux économiques que politiques des guerres que les congolais ont connues. Mais cette fois, avec l’Uranium, le pétrole encore inexploité de l’Ituri dans la Province Orientale en RD Congo, le gaz méthane du Lac Kivu, le Coltan, le bois de la forêt de l’Équateur, et par ces temps qui courent, l’eau du fleuve Congo. Autant d’immenses ressources inexploitées qui constituent des objets de convoitise, plaçant ainsi l’ex Zaïre de Mobutu aux centres des intérêts économiques régionaux et internationaux.
Problématique de l’Afrique centrale et des grands lacs.
Cependant, un fait mérite d’être souligné. Quelles que soient les richesses que le Congo démocratique peut posséder, tant qu’elles sont en sous-sol, inexploitées, la RD Congo ne peut se bomber le torse d’être « un grand pays riche » : C’est une grave illusion qui risque de nous faire dormir debout en ce 21ème siècle marqué par le réalisme et le pragmatisme. Toute richesse est richesse dès lors qu’elle est sur le marché de la concurrence pour que le pays producteur en tire profit.
Or, seule une vision réaliste et pragmatique dépourvu de tout discours nationaliste et patriotique partisan peut aider la RD Congo à être la rampe de lancement du développement de l’Afrique centrale et celle de la région des grands lacs (RDC, Ruanda, Burundi). Malheureusement, cette vision région fait cruellement défaut dans le chef de ceux qui prétendent diriger le Congo démocratique. En Afrique centrale, par exemple, la RD Congo a perdu son leadership à cause justement de ce manque des leaders éclairés et capables de lever de défis sur le plan national. Des leaders caractérisés par des insuffisances et tâtonnement abominables sur le plan politique. Alors que le Congo démocratique, ex Zaïre, avait déjà donné le premier secrétaire exécutif de la Communauté économique de l’Afrique Centrale (CEEAC), en la personne de M. Lunda Bululu, la RD Congo n’a pas su capitaliser cet acquis. La mauvaise gestion des affaires publiques par les dirigeants politiques congolais a effacé le Congo démocratique au profit du Gabon, Cameroun et du Congo-Brazzaville. Cette même mauvaise gouvernance caractérisée par le manque de vision régionale claire a fait que la Communauté des pays des grands Lacs (Burundi, RDC et Ruanda) annoncé avec pompe lors de sa création n’a pas résisté à l’épreuve du temps et a volé en éclats. Pire, ce sont des États membres de cette communauté qui ont agressé l’ex-Zaïre.
Élections du 29 octobre prochain, des signes inquiétants.
Les drames qui se sont produits à Kinshasa du 20 au 22 août 2006, lors de la proclamation du résultat provisoire des élections présidentielles par le président de la commission électorale indépendante M. l’abbé Malu-Malu, à une avalanche de recours introduits à la Cour Suprême de Justice de la RD Congo, à la tension socio-politique sans cesse croissante, à la surexcitation qui caractérise la campagne électorale en cours pour le second tour de scrutin présidentiel, ne sont pas les seuls signes prémonitoires du danger qui plane désormais sur le second tour des élections présidentielles au Congo Kinshasa. En effet, à peine la campagne électorale a-t-elle commencé, que des incidents ont été signalés à Lodja dans la province du Kasaï oriental, à Mbandaka dans la province de l’Équateur et à Lubumbashi chef-lieu de la province du Katanga. Donc entre les propagandistes du camp de Jean Pierre Bemba et ceux de Joseph Kabila le torchon brûle. A Kinshasa, la nomination des officiers généraux, par le président sortant Joseph Kabila, respectivement comme ministre de l’Intérieur et Gouverneur de la capitale vient de rajouter de l’huile aux feux et suscite un tollé dans le milieu politique congolais. Le vice-président Azarias Ruberwa qui a la défense dans sa Commission, déclare que cette nomination n’a jamais été traitée à l’espace présidentiel, ni au gouvernement ni au Conseil supérieur de la Défense. La forte présence des hommes en uniforme (les milices privées des deux présidentiables, la Monuc et l’Eufor) dans la ville de Kinshasa donne l’insomnie à la population congolaise qui voit là des signes inquiétants annonciateurs de l’orage. Les pessimistes y voient déjà la militarisation du pays et de la ville de Kinshasa de façon officielle et unilatérale. A ce cocktail des signes avant coureur s’ajoute le commerce des cartes électorales qui se fait activement, plus particulièrement dans les vingt-quatre municipalités de la ville de Kinshasa. Depuis quelque temps, l’achat et la vente des cartes d’électeurs se font ouvertement, et sont constamment dénoncés dans les médias écrits et audiovisuels de la RD Congo. Des individus se livrent à ce trafic des identités électorales opèrent pour le compte d’une coterie politique qu’il ne faut pas nécessairement être sorcier pour le découvrir. Qu’en dit-on dans les milieux des commanditaires et organisateurs des élections ? Silence radio. Il est étonnant que cette contrebande des cartes d’électeurs passe pour un fait divers ou une rumeur sans fondement, alors qu’il y a des preuves matérielles probantes exhibées aux téléspectateurs par des chaînes de télévision. ‘La commission électorale indépendante’ de l’Abbé-président Apollinaire Malu Malu, la Monuc (Mission de l’observation des Nations Unies au Congo), l’Eufor (Force de l’Union européenne), la Mission d’observation de l’Union européenne, et le comité international de sages, qui sont actuellement présents à Kinshasa et prétendent tout mettre en œuvre afin que le second tour de scrutin présidentiel soit exempt d’irrégularités, restent muets comme des carpes. Pourquoi ne s’occupent-ils pas sérieusement de ces opérations frauduleuses ? Qui ne dit mot consent. ‘La commission électorale indépendante’, la Mission d’observation de l’Union européenne, la Mission d’observation des Nations Unies au Congo donnent l’impression qu’elles s’accommodent de ce trafic des cartes d’électeurs, car dans le cas contraire elles auraient fait tout ce qui est de leur pouvoir pour mettre hors d’état de nuire tous ceux qui préparent ces tricheries pour se délecter d’une victoire volée au second tour de scrutin. Alors, peut-on se vanter d’avoir financé et piloté en RD Congo une transition de trois aboutissant à l’organisation des élections « libres, démocratiques et transparentes » jamais tenues dans ce pays depuis plus de quatre décennies, pour y instaurer une paix durable et des institutions crédibles investies de la confiance du peuple ? Ne va-t-on pas là à une imposition de la paix du cimetière ? Non, l’aide de la communauté internationale pour la transition en RD Congo a été un désastre pour ne pas dire un fiasco et l’organisation des élections le remède pire que le mal.